article de presse du journal suisse "24 heures" du 3 janvier 2006:
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La Vespa bourdonne depuis soixante ans
série Conçue par le constructeur aéronautique Piaggio, la Vespa a certainement sauvé son fabricant. Elle a été aussi le premier véhicule de masse dans l’Italie de l’après-guerre. Alerte sexagénaire, elle figure toujours au catalogue.
[ image externe ]La monture du peuple et des stars, le prince d’Italie Victor-Emmanuel en 1951 à Merlinge, près de Genève.
» Née en 1946, la Vespa est le chef-d'œuvre d'un ingénieur aéronautique méconnu, Corradino D'Ascanio. Elle a connu un succès fulgurant dans une Italie de l'après-guerre qui manquait de tout, avant de s'imposer jusque dans le garage des stars. Après une éclipse relative dans les années 70 et 80, le renouveau du scooter a définitivement assis son constructeur Piaggio parmi les grands du deux-roues.
On raconte que l'ingénieur Corradino D'Ascanio aurait eu l'inspiration qui devait l'amener à concevoir la Vespa en contemplant un tas de roues d'avion dans les usines Piaggio à l'abandon en 1945. Vraie ou fausse, l'anecdote en dit long sur l'Italie de l'immédiat après-guerre. Un pays blessé, aux besoins immenses, aux infrastructures largement détruites et au potentiel industriel sévèrement entamé.
Comme tant d'autres, le premier constructeur aéronautique italien doit se reconvertir à la fin du conflit. Enrico Piaggio doit relever ses usines de Pontedera écrasées par les bombes et occuper un personnel désœuvré. Désireux de relancer la production d'avions, le patron juge prudent de se diversifier vers des articles de masse, susceptibles d'assurer l'assise financière du groupe. Dans un pays où les moyens de transport font largement défaut, le choix d'un deux-roues populaire répond à un besoin évident. Ce d'autant plus que l'Italie était réputée avant-guerre, avec ses Moto Guzzi et Gilera.
Réinventer la moto
Les débuts sont laborieux. Un premier modèle, le «Paperino» (Donald Duck en Italie), ne convainc guère Enrico Piaggio, qui confie le projet au «crack» maison, Corradino D'Ascanio. L'ingénieur aéronautique met à profit son inexpérience en la matière pour réinventer la moto. Ainsi les roues, fixées latéralement comme celles d'un avion ou d'une automobile, permettent d'éliminer fourche et bras oscillant traditionnels. De même, le châssis en tôles, formé sur les grosses presses de Pontedera, est plus proche de celui d'une voiture que du cadre d'une moto. Le moteur, placé à côté de la roue arrière, permet de dégager une plateforme abritée pour les jambes. Enfin, la carrosserie, avec ses lignes nettes et modernes, rompt avec le cambouis des motos de l'époque.
Lancée en 1946, la Vespa (guêpe) séduit immédiatement par son confort et sa propreté. Le poids de 60 kg et le changement de vitesses à la poignée facilitent la conduite. Certes, les performances sont modestes, avec un moteur deux-temps de 98 cm3 qui plafonne à 60 km/h. Mais l'engin est sobre comme un dromadaire: le réservoir de cinq litres assure une autonomie de 200 kilomètres. Capricieux aussi avec ses petites roues et son moteur latéral qui met 70% du poids à gauche. Des défauts qui deviendront flagrants en 1948 avec l'apparition de la version 125 cm3 . Sur ce point, la grande rivale, la Lambretta, marquera des points avec son moteur devant la roue arrière. La même année, Piaggio lance le triporteur Ape (abeille), cher au cœur de générations de petits artisans et commerçants.
A l'instar de Citroën avec sa Deux-chevaux, Piaggio multiplie les opérations marketing. Les Vespa participent à des épreuves de régularité. Une version «Sei Giorni» - pneus Pirelli «Z corsa», roue de secours sur le marchepied, dérouleur de carte et porte-paquet - est bichonnée avec amour. En 1951, la «Vespa da Record», carénée, atteint 171 km/h sur l'autoroute Rome-Ostie. Les nouveautés se suivent: side-car dès l'année suivante, moteur 150 cm3 pour la «Gran Sport», puis 200 cm3. Même les militaires s'y mettent, avec une version parachutable. Résultat: un million d'exemplaires construits jusqu'en 1956, trois millions en 1965.
Star à Hollywood
Le cinéma consacre la Vespa. Elle apparaît notamment dans Vacances à Rome (1953), la Dolce Vita (1959) ou plus récemment Caro Diario (1993). Nanni Moretti en fait d'ailleurs son logo. En Italie, la cause est entendue: les garçons qui ont des Vespa tombent les filles! Le succès ne se démentira pas jusqu'au début des années 70. C'est alors que les Japonais, et en premier lieu Honda avec sa 750 Four, inventent la moto propre et fiable. Les minets veulent jouer aux blousons noirs. Comme dans Tommy des Who, les mods sont en déroute.
Il faudra les embarras urbains des années 80, pour que les citadins et les pendulaires redécouvrent le scooter. Affrontant désormais la concurrence asiatique, Piaggio joue sur tous les fronts avec les marques Piaggio, Derbi, Aprilia, Gilera et Moto Guzzi: des petites cylindrées aux gros cubes. Quand à la guêpe sexagénaire, elle plane sur la vague rétro, mise au goût du jour par petites touches.
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